Partager la publication "Témoignage d’un surdoué (1/4) : « J’ai eu la malchance de tomber dans une famille intolérante à la différence »"
Une nouvelle série débute sur La Revue du Zèbre : « Témoignage d’un surdoué ». C’est Laurent H., 32 ans, cuisinier, qui est en l’auteur. Nous avons choisi de publier son texte en intégralité et en plusieurs parties… Voici la première, consacrée à l’enfance de Laurent. Il y a été confronté à l’incompréhension, voire l’intolérance, et le rejet de ses proches.

Je voudrais vous raconter mon histoire, qui, je l’espère, vous permettra d’ajouter une longueur supplémentaire au spectre connu et véhiculé sur le phénomène et peut être apporter une expérience différente des généralités sur les surdoués pour vos recherches.
Je vais avoir 32 ans et je suis diagnostiqué depuis l’âge de 8 ans. A l’époque, on appelait ça « enfant précoce », puis albatros, puis zèbre, puis philo cognitif, surdoué… Un QI bien au-dessus de la moyenne et une capacité cognitive extrêmement sensible, d’après les psys de l’époque. On a parlé d’intuition empathique. Mais c’était il y a plus de 20 ans et le sujet était très mal compris et peu d’études permettaient aux soignants de mettre une affirmation sur leurs suppositions.
« Je n’ai jamais eu besoin d’autrui pour comprendre ma nature » de surdoué
Ce test je l’ai passé dans un hôpital public sur incitation d’une de mes profs de l’époque qui connaissait plus ou moins le problème du surdoué. Pour moi tout ceci n’était qu’une affaire d’interprétation et de point de vue. Je n’ai jamais eu besoin d’autrui pour comprendre ma nature que je définis par moi-même. C’est un point très important pour me comprendre. N’y voyez aucune méfiance ou hostilité envers les autres. C’est un mécanisme inné. Je traite toutes les données dans ma tête « manuellement » 90% du temps. C’est comme ça, rien ne rentre si je n’ai pas donné l’autorisation.
J’ai eu la malchance de tomber dans une famille intolérante à la différence. Elle n’a eu de cesse de me rabaisser toute ma vie (et encore aujourd’hui), faute de réussite visible et d’une adaptation souhaitée aux règles de ce monde. Je suis l’aîné de trois frères, élevés dans un milieu compétitif et socialement très modeste. La loi du plus fort primait et j’étais mal équipé. Je reconnaissais être différent fonctionnellement sans pour autant me sentir hors du cadre. Pour ma part, c’est le monde qui me rejetait et non moi qui m’en excluais. J’ai tenté mille fois de me le prouver, beaucoup de souffrances endurées pour comprendre cela…
L’incompréhension, « fardeau » du surdoué
L’incompréhension fait partie de mon fardeau. La capacité de voir plus de choses que le commun des mortels, j’ai beaucoup d’anecdotes sur ce sujet. J’ai marché très tôt (7 mois). Mais j’ai confondu le jour et la nuit jusqu’à mes trois ans au grand bonheur de mes géniteurs ! Je n’étais (du point de vue extérieur) pas si différent par l’attitude car tout se passait déjà à l’intérieur. Ainsi, j’étais vu comme timide et réservé avec des éclats émotifs parfois incontrôlables. Alors, on m’a cru autiste.
Mes parents étaient violents et incapables de comprendre mes crises émotionnelles. De ce fait, chaque expression dissonante était réprimée par les coups, les insultes ou le mépris. Ils ont été élevés de cette façon et c’est les meilleurs mimes que je connaisse. Des blocages sont apparus, faute de pouvoir exprimer mes sentiments et mon avis qui n’intéressaient personne. J’étais l’autiste gras du bide de la famille. Celui qu’on dit « intelligent mais qui ne montre rien alors ça doit pas être autre chose »… Pour mon père il fallait que j’avance à « coup de latte dans le derrière ». La tête de turc idéale, la bonne poire, le loustique qui a trop la tête dans les étoiles…
Un imaginaire « riche » en « comparaison de ce monde morne et normé »
Je ne me défendais pas souvent. Je préférais déjà l’évasion mentale. Mon imaginaire était riche et stratosphérique en comparaison de ce monde morne et normé. J’avais une vie parallèle dans ma tête. Pourtant, j’avais un mal fou à mettre des mots sur ce que je ressentais. Alors j’avais créé un alter ego à qui je pouvais me confier et avec qui échanger.
A l’école, j’étais l’extraterrestre de la classe. Boudiné, maladroit, tête en l’air, qui (selon mes bulletins) pouvait faire mieux s’il ne distrayait pas ses camarades en posant trop de questions hors sujet. J’en étais même devenu asthmatique, en plus d’une maladie dégénérative des os au niveau des jambes, très rare : l’ostéochondrite disséquante. On m’avait promis le fauteuil roulant avant mes 30 ans…
Toute ma vie d’écolier (maternelle, primaire) à été une épreuve entre ma santé défaillante et un environnement disons « hostile ». Sans tomber dans le cliché. C’était la perception d’un gamin qui n’avait pas encore toutes les cartes pour comprendre. Ce monde était dangereux pour moi. Je naviguais toujours à contre-courant histoire d’avoir toujours une marche de manœuvre.
A suivre…
Retrouvez les autres épisodes de la série « Témoignage d’un surdoué »
Merci Laurent pour ce texte. J’attends la suite avec impatience.
Bonjour, votre texte m a beaucoup émue. J ai toujours su que j étais « differente ». Mes parents n ont pas compris et j ai subi des coups de leur part. Seule ma grand-mère paternelle avait senti. J ai été diagnostiquée à 50 ans suite à un nouveau choc traumatique. Je le vis quelquefois très bien mais le plus souvent je me réfugie dans mon monde qui est bien plus sécurisant.
Merci et bravo pour ce texte… je m’y retrouve… surtout sur le monde parallèle, l’imaginaire foisonnant, le décalage , cette impression d’agression permanente de l’exterieur et l’asthme… déclenché parfois par le cerveau…. pour ma part, j’ai réussi a déclencher une allergie physique à certaines personnes ! 😉