Partager la publication "Mélanie Poinas (Suivez le Zèbre) : « C’est notre rôle à tous de démocratiser le haut potentiel »"
Mélanie Poinas est la fondatrice et l’auteure du blog Suivez le Zèbre. Détectée à l’âge adulte, elle y partage son quotidien de haut potentiel intellectuel. Elle livre également son témoignage et son point de vue sur divers sujets liés à la douance. Elle répond ici aux questions de la Revue du Zèbre…

La Revue du Zèbre – Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la création du blog Suivez le Zèbre ?
Mélanie Poinas : J’ai décidé de créer Suivez le zèbre lorsque j’ai découvert que j’étais un profil à haut potentiel alors que je venais d’avoir trente ans. Je cherchais des réponses et voulais comprendre. Je me suis alors demandée comment j’avais pu évoluer en France, de la maternelle à l’université en passant par une école de commerce sans n’avoir jamais été détectée. Puis j’ai ensuite travaillé dans diverses PME ou groupes internationaux. Idem, ça n’a jamais été évoqué. Alors, je me suis dit que j’avais un rôle à jouer pour démocratiser la douance, au delà des a priori. Et surtout aider d’autres personnes qui, comme moi, avaient grandi et étaient devenues adultes sans savoir qu’elles étaient des enfants précoces.
La Revue du Zèbre – Quels types de contenus y proposez-vous ? A qui s’adressent-ils ?
Mélanie Poinas : Sur Suivez le zèbre, j’écris des articles grand public qui traitent de tous les sujets liés au haut potentiel. La majorité de mes lecteurs se pose aujourd’hui les mêmes questions que j’ai pu me poser il y a quelques années lorsque j’ai été détectée. Il y a également des proches de zèbres. Ils viennent s’informer pour essayer de les comprendre plus facilement. J’essaye aussi de toucher les managers d’entreprise pour les aider à comprendre notre fonctionnement. Mon blog est un parti pris sur la douance, le mien. J’écris comme je perçois et ressens les choses. Je n’ai pas la prétention d’avoir la vérité absolue sur le haut potentiel et d’ailleurs je ne l’ai pas. Je propose juste un témoignage authentique sur la manière dont je vis le fait d’être zèbre au quotidien.
« Être zèbre explique beaucoup de choses sur mon fonctionnement »
La Revue du Zèbre – Dans la rubrique « A propos » de votre site, on peut lire que vous avez déjà vécu « 1001 vies« . Pensez-vous que cette particularité découle de votre haut potentiel ?

Mélanie Poinas : C’est une excellente question. Je sais aujourd’hui qu’être zèbre explique beaucoup de choses sur mon fonctionnement. Je m’ennuie vite. J’ai besoin d’apprendre. J’aime travailler en équipe mais j’ai besoin d’avoir confiance en mes collègues ou mes managers pour pouvoir travailler avec eux. Par ailleurs, je suis très exigeante. Mais, en même temps, je ne me mets aucune limite. Chaque fois que j’ai ressenti le besoin de changer, je l’ai fait.
Bizarrement depuis que je sais que je suis zèbre, j’ai toujours autant besoin de me challenger. Mais les détours ne s’effectuent pas de la même manière. C’est comme si, aujourd’hui, je faisais mes choix parce qu’ils me semblent évidents et cohérents avec ce que je suis. Je ne change plus parce que je suis en rupture avec mon travail, l’entreprise, mes loisirs ou mes proches. J’entreprends et je construis une vie qui me correspond.
La Revue du Zèbre – Qu’est-ce qui vous guide dans votre vie professionnelle ?
Mélanie Poinas : L’humain, le sens et l’opportunité. Je fais uniquement ce en quoi je crois. J’ai la chance d’avoir plusieurs métiers qui me passionnent. D’abord, je suis professeure, je transmets et reçois toute la journée. Mais aussi, j’écris sur le blog et également maintenant en tant qu’auteure. Je n’ai pas toujours fait ces métiers-là. J’ai travaillé pour des gens ou des entreprises avec lesquelles je n’étais pas toujours en accord. J’avais des contraintes, un loyer, des factures, un crédit, comme la majorité d’entre nous.
La découverte de mon haut potentiel m’a libérée. Depuis, je ne fais plus ce qu’on attend de moi. Je fais ce qui m’anime réellement. Cela m’a pris plusieurs années à tout mettre en place. Et j’ai dû faire preuve de patience, ce qui n’est pas ma qualité première ! Il y a eu des moments difficiles, des doutes, mais je n’ai aucun regret. C’est magique de voir ses rêves se réaliser et de pouvoir en vivre.
Suivez le Zèbre : « le plus difficile, c’est la gestion de nos émotions »
La Revue du Zèbre – Vous écrivez également qu’« Être surdoué peut être vu et vécu comme un handicap alors que c’est notre force ». Pourquoi, selon vous, le haut potentiel intellectuel est parfois (souvent ?) perçu comme une difficulté ?
Mélanie Poinas : Je crois que le plus difficile quand on est zèbre, c’est la gestion de nos émotions dans notre rapport à l’autre. Il est difficile de trouver sa place dans un monde qui n’est pas fait pour notre mode de pensée. Le monde actuel est extrêmement violent. Il est également très normé. Nous sommes des personnalités hors-normes et très sensibles. Nous avons un rythme qui nous est propre. On va dire que le monde dans lequel nous vivons ne nous ménage pas. On ne nous comprend pas toujours et ça peut être perturbant ou difficile à vivre.
La Revue du Zèbre – En quoi estimez-vous, à l’inverse, qu’il s’agit d’une force ?
Mélanie Poinas : Le déclic a lieu quand on est détecté. On ne peut pas faire de quelque chose une force si on n’en a pas conscience. Quand on connaît son propre fonctionnement, il est plus facile de l’apprivoiser et aussi de lâcher prise. Nous avons quand même des qualités humaines que d’autres nous envient. Je pense notamment à la mémoire que je considère un peu comme un super pouvoir.
C’est assez dingue d’entendre ou de lire une information et de la stocker presque à vie dans sa tête ! J’aime aussi le fait de comprendre très vite ce qui se joue dans une situation. L’empathie et l’intuition nous aident à bien nous entourer. Nous ressentons quand les gens mentent ou trichent. J’aime avoir ce garde-fou qui m’aide à faire confiance ou au contraire à me méfier quand j’ai un doute. J’aime aussi cette sensibilité qui me permet de voir la nature dans ce qu’elle a du plus beau. Et j’aime ressentir tout plus fort parce que je me sens vivante, tout simplement.
Le HPI, un sujet à la mode…
La Revue du Zèbre – Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique de la question du haut potentiel ?
Mélanie Poinas : C’est un sujet qui devient très en vogue parce qu’il représente un segment marketing important et déjà très bien ciblé. La visibilité c’est toujours positif. Cela a au moins le mérite d’ouvrir et de créer le débat. Il y a eu, jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de fantasmes et d’envies autour des personnes à haut potentiel. Je le vois encore quand j’en parle avec des promotions d’étudiants. Très peu savent réellement ce que c’est et ce que ça implique. On imagine encore Einstein, Steve Jobs ou Léonard de Vinci. Il y a encore du chemin à faire. Je crois surtout que c’est notre rôle à tous de démocratiser le haut potentiel et cela passe forcément par assumer cette particularité sans pour autant s’enfermer dans une case.
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