A travers quelques exemples populaires et emblématiques, analysons comment la fiction met en scène ses héros surdoués. Entre les génies et les personnages asociaux, ils ne représentent que très partiellement la réalité des individus à haut potentiel intellectuel… Mais, faut-il réellement s’en offusquer ?

Will Hunting, Le Caméléon, Big Bang Theory, Malcolm, Imitation Game… La liste n’est pas exhaustive. Mais elle témoigne néanmoins de l’intérêt que portent les créateurs de films et de séries au haut potentiel intellectuel (HPI). Le surdoué affiche un fort potentiel romanesque.
Enfin, en réalité, c’est surtout dans sa version « petit (ou grand) génie » qu’il intéresse dans la fiction. Car, évidemment, qui se passionnerait pour une série ou un film dont le héros dispose d’un quotient intellectuel (QI) supérieur à 130 mais ne réalise aucune prouesse ? Un personnage principal HPI qui ne serait pas un génie des mathématiques. Ni un poète majeur qui n’attend qu’un coup de pouce pour se révéler. Ni même un futur Prix Nobel d’astro-physique… Tout cela n’intéresse certainement pas grand monde. A part peut-être certains lecteurs de La Revue du Zèbre. Et encore…
Et pourtant, quoi qu’on en dise, la majorité des individus à haut potentiel intellectuel est parfaitement banale. Comme beaucoup, ils font ce qu’ils peuvent. Surdoués sans don particulier, névrosés, en quête d’estime de soi et jamais certains de se trouver à la bonne place, on pourrait, au mieux, leur donner un troisième rôle dans un drame introspectif français indépendant.
Héros surdoués ou génies ?
Malgré cela, le HPI a la cote dans la production audiovisuelle internationale. Mais pas celui de cette majorité silencieuse. Les héros surdoués des films et des séries affichent quasi-systématiquement de compétences exceptionnelles. C’est le cas, par exemple, de Sheldon Cooper, personnage des séries « The Big Bang Theory » et « Young Sheldon ». Il dispose d’un QI de 187 ( !). Ce qui, évidemment, lui a permis de décrocher son premier doctorat à 16 ans. Véritable prodige, Sheldon travaille sur la théorie des cordes, tant qu’à faire… Et il jouit également d’une mémoire eidétique. Bon, en revanche, ce héros galère dans les relations sociales. Il n’a pas les codes et fait souvent rire à son insu.
« Prodige ». Le terme peut aussi aisément s’appliquer à Alan Turing, cryptologue de génie qui a, entre autres, participé au développement des bases de l’informatique. Sa vie fait l’objet d’un film intitulé « Imitation Game ». Il est sorti en 2014. Cette fiction se concentre sur un épisode particulier de la vie de ce héros surdoué. Il se déroule pendant la deuxième Guerre mondiale. Alan Turing est alors enrôlé par le gouvernement britannique pour casser les codes de d’Enigma, une machine de cryptage utilisée par l’armée allemande. Elle est pourtant réputée inviolable. Mais, forcément, dans le film, Alan Turing n’en fait qu’une bouchée et contribue ainsi à la victoire des forces alliés.
L’intelligence rend asocial dans les films
Il ne s’agit-là que de deux exemples parmi beaucoup d’autres. Mais globalement, les séries ou les films qui mettent en scène des héros surdoués préfèrent que ces derniers soient « géniaux ». Et, généralement, ils sont aussi complètement inadaptés. Sur ce thème, outre Sheldon Cooper dont nous avons déjà parlé, on peut également citer Lisbeth Salander des films « Millenium ». Ce personnage tiré de la trilogie littéraire de Stieg Larsson est une hackeuse exceptionnelle dotée d’une mémoire photographique sans faille. Mais, c’est aussi un individu asocial et incapable de nouer des relations humaines « classiques ».
Le héros surdoué Walter O’Brien de la série « Scorpions » est fait du même bois. Il serait doté du 4e QI le plus élevé au monde. Une particularité qui le conduit à intégrer un groupe de plusieurs génies qui œuvrent à résoudre toutes sortes de crises urgentes et extrêmement complexes. Le problème étant que tous les membres de cette confrérie de HPI sauveurs du monde sont parfaitement inadaptés à la société qu’ils sauvent pourtant épisode après épisode…
Quelques personnages relèvent le niveau
Il existe toutefois quelques exemples de héros surdoués un peu plus réalistes dans les séries et les films. Parmi eux, Jarod, personnage principal de la série « Le Caméléon » diffusée à la fin des années 1990. Identifié très jeune, il a passé toute sa jeunesse dans les griffes d’une firme qui cherche à exploiter son intelligence ainsi que celle d’autres jeunes HPI. Devenu adulte, il prend conscience que ce centre de recherches poursuit, en réalité, des objectifs maléfiques. Alors il s’échappe. Et décide de mettre son intelligence à profit pour réparer les erreurs du passé. Pour cela, et c’est là le cœur du scénario, il endosse à chaque épisode une nouvelle identité et exerce un nouveau métier auquel il s’adapte immédiatement. Tout cela est évidemment romancé mais semble néanmoins plutôt bien illustrer la quête de sens qu’affichent de nombreux HPI dans leur vie professionnelle.
Malcolm, de la série éponyme, apparaît lui aussi comme un héros surdoué de fiction plutôt banal. Son intelligence n’est qu’une des multiples facettes de sa personnalité. Et, surtout, le scénario de cette fiction ne tourne absolument pas autour d’elle. Elle se concentre plutôt sur les (mes)aventures de la famille hilarante et farfelue de Malcolm.
La fiction ne poursuit certainement pas l’objectif de refléter la réalité. Si tel était le cas, elle n’aurait, en effet, que peu d’intérêt. Malgré tout, par leur dimension populaire, les œuvres contribuent à forger des stéréotypes sur le haut potentiel intellectuel. Mais rassurons-nous, c’est le cas également pour beaucoup d’autres « catégories » de personnes. Par ailleurs, et nous avons pu en parler ici, à plusieurs reprises, les médias dits « d’information » jouent, eux aussi, un rôle central dans le renforcement de certaines idées reçues autour du sujet. Et, là, pour le coup, les effets sont certainement encore plus dévastateurs…
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