Partager la publication "Confinement : comment les enfants HPI vivent-ils cette période ?"
Voilà maintenant bientôt 6 semaines que le confinement a débuté en France. Mesure de lutte contre la propagation du Covid-19, il entraîne des situations inédites pour beaucoup. C’est notamment le cas dans les familles où vivent des enfants intellectuellement précoces. Alors, nous avons demandé à leurs parents de nous expliquer comment ça se passe pour eux…

Contrairement à de nombreux maux qui frappent notre société, les virus ne font pas de distinction. Vieux, jeunes, riches, pauvres, grands, petits… Nous sommes tous susceptibles d’être contaminés par le Covid-19. Même s’il reste néanmoins vrai que la maladie n’aura pas les mêmes effets selon les cas. Ainsi, certaines personnes, du fait de leur âge ou de leur état de santé, sont considérés comme étant plus « à risque » que d’autres.
En revanche, c’est dans les solutions que nous mettons collectivement en place pour lutter contre la propagation du virus que les inégalités apparaissent. Pour ce qui est du confinement, on ne le vit pas de la même manière si l’on se trouve dans une maison avec jardin ou si l’on loge dans un petit studio en centre-ville. De même, il sera plus compliqué pour une famille sans ordinateur ou équipé d’un seul terminal d’assurer, à la fois, l’éventuel télétravail des parents et l’école à la maison des enfants. Si le Covid-19 frappe aveuglément, c’est donc plutôt dans les manières de nous en protéger qu’apparaissent les différences.
Dès lors, dans ce contexte, nous nous sommes posé les questions suivantes : comment les enfants intellectuellement précoces (EIP) vivent-ils cette période de confinement ? L’abordent-ils tous de la même manière ? Ou existe-t-il des différences selon les familles ? Quelles sont les éventuelles difficultés que cette situation engendre pour certains ? D’autres s’y sentent-ils, au contraire, plus heureux qu’en « temps normal » ? Pour tenter d’y apporter des réponses, nous avons choisi d’interroger plusieurs parents d’enfants à haut potentiel intellectuel (HPI).
Pendant le confinement, « comme en vacances »
Près de la moitié des parents interrogés nous confient que leurs jeunes HPI vivent cette période de confinement de manière très positive. C’est le cas, notamment, de Julien, 17 ans, en Terminale cette année. « S’il travaille quand même ses cours, il apprécie vraiment de pouvoir traîner au lit le matin, nous explique Marjorie, sa mère. Comme il connaît des difficultés pour s’endormir, en temps normal, le réveil à 06h30 est souvent très compliqué pour lui. Là, pendant le confinement, ce n’est plus le cas. » De son côté, Magali constate que ses deux garçons, Victor 6 ans et Antoine 3 ans et demi, « se sentent comme en vacances, l’école à la maison en plus ». Par conséquent, « on en profite pour partager encore plus de jeux, d’activités et d’essayer de faire de ce quotidien particulier une belle parenthèse », ajoute-t-elle.
De plus, pour Julien, l’annonce de l’évaluation du baccalauréat en contrôle continu cette année constitue un grand soulagement. Cela lui enlève pas mal de stress. Apaisement semble aussi être le mot d’ordre dans la famille de Danièle. Elle est la mère d’un jeune garçon de 8 ans et demi, très haut potentiel intellectuel (THPI). « Pour nous, cette période de confinement, c’est que du bonheur, résume-t-elle. J’ai un enfant heureux et tendre à la maison. Je le retrouve. Pour lui, en temps normal, c’est très compliqué d’aller à l’école. Cela entraîne des frustrations, des angoisses et du stress. »
Habituellement « chouineur, agressif envers lui-même et envers moi, triste et éteint », le jeune homme se montre désormais « autonome, sans aucun trouble ni crise. Il travaille à son rythme et a retrouvé le goût d’apprendre, sa curiosité s’est réveillée ainsi que sa joie de vivre », s’enthousiasme Danielle. Cette dernière s’interroge d’ailleurs sur la possibilité d’adopter l’instruction en famille (IEF) à l’issue du confinement.
Problèmes de concentration et manque de motivation
A l’inverse, pour Swann, 8 ans, le travail à la maison s’avère plus difficile. « Il a vraiment du mal à se concentrer, beaucoup plus qu’en classe probablement, observe Emilie, sa mère. Un rien attire son regard : une mouche, le chat dans le jardin, un Lego qui traîne… Bref, c’est très dur pour lui et pour moi aussi, du coup. » Comme de nombreux autres enfants, HPI ou non, Swann exprime le manque de ses camarades d’école. Alors, pour compenser, ses parents s’arrangent pour lui organiser, chaque soir, vers 17h45, un rdv avec l’un de ses copains de classe sur Skype. Mais, malgré cela, Swann a « vraiment hâte » de reprendre le chemin de l’école !
Fanny, quant à elle, nous écrit que ses enfants ne vivent pas du tout le confinement de la même manière. Le plus grand, âgé de 13 ans, « est aux anges » car il a toujours rêvé de suivre l’école à la maison. En revanche, pour le second, de 12 ans, c’est plus compliqué… « Il tourne beaucoup en rond et passe son temps avec un ballon. Il faut être derrière lui pour le suivi scolaire », décrit la mère de famille. Le jeune homme, habituellement très sociable, manque de motivation.
Alors, pour apprendre, il est poussif. « Il n’ouvre pas ses cours sur Pronote et, du coup, il se fait rappeler à l’ordre par sa professeure principale », déplore Fanny. Pour la petite dernière qui est en CE2, le confinement a débuté difficilement. Elle avait du mal à se motiver pour l’école à la maison. Mais tout s’est arrangé d’un coup « quand nous avons passé la vitesse supérieure concernant le niveau, constate sa mère. Désormais, elle s’investit plus. » Mais, hors des périodes d’instruction, « elle s’ennuie beaucoup, pleure souvent, alors qu’elle le fait très rarement d’habitude, nuance Fanny. Elle embête aussi beaucoup ses frères. Elle est très créative en temps normal, mais, là, je la sens comme un lion en cage. »
Dépression de confinement
Léa, à 20 ans, n’est plus vraiment une enfant. Mais, elle a malgré tout tenu à nous livrer son témoignage car elle vit « très mal » cette situation de confinement. Elle se dit « très déprimée » et accuse une grande fatigue. « Je dors très mal, très peu. Puis je pleure plusieurs fois par jour et je m’énerve très facilement, s’inquiète la jeune femme. Et, par-dessus tout, je me sens super inutile. J’essaie de m’occuper en dessinant, travaillant et en jouant. Mais dès que je m’ennuie, c’est la panique à bord. Je ne tiens pas et je me mets dans des états pas possibles pendant des heures. » Changer de rythme, ralentir, ne plus avoir grand-chose à faire et se retrouver seul face à soi-même. Quand on se pose beaucoup de questions, c’est parfois très difficile à vivre.
Pour éviter ce type de situation, il semble intéressant de se tourner vers certaines occupations qui peuvent calmer les esprits véloces. C’est le cas, par exemple, de la méditation. Mais aussi, des activités sportives et culturelles. Comme nous vous l’avions signalé dans un précédent article, il est notamment possible de visiter de nombreux grands musées en ligne ou de visionner des films gratuitement pendant le confinement. Il peut également être utile d’écrire pour évacuer ses frustrations, décrire ses sensations. Qui sait, peut-être que cela fera naître des vocations. Et que, dans quelques mois, ou quelques années, nous pourrons lire de magnifiques textes issus des journaux de confinement d’anonymes…
Et pour vous, lecteurs de La Revue du Zèbre, comment se passe le confinement ? Quelles astuces avez-vous trouvé pour faire passer le temps ou le mettre à profit ? N’hésitez pas à nous dire tout ça dans les commentaires. Et, pourquoi pas, à nous transmettre vos plus beaux textes de confinement !
Moi j’ai 12 ans mais c’est pareil mais pas pour la même raison LES DEVOIRS !!!!!!
Merci pour ces témoignages de HPI dans cette période inédite et particulière de confinement. Chacun y est confronté individuellement dans son organisation temporelle, dans ses relations sociales et dans ses projets. Il me semble que pour les HPI, c’est un occasion en or pour réinventer sa vie et si cela fait du bien à certains, ça peut en angoisser d’autres. Votre article montre bien les enjeux de la période et les stratagèmes que chacun a pu trouver. Ce qui fonctionne, visiblement : mettre les fonctions cognitives au défi par des apports enrichis voire de grands projets démesurés.
Merci pour cet article, c’est en effet une bonne idée d’aborder le sujet du confinement au travers du vécu des enfants HPI.
J’ai deux enfants en confinement avec moi, tous deux HPI.
Charles, 14 ans, est ravi de la situation. Il a toujours eu besoin d’un environnement calme, et le milieu scolaire a toujours été source de beaucoup de stress pour lui. Depuis la maternelle le rythme de l’école ne lui convient pas car il est de l’après-midi et du soir, avec beaucoup de mal à s’endormir avant 23 h/ minuit. Là il peut organiser son emploi du temps comme il l’entend, à son rythme, comme passer plus rapidement sur les matières où il est en avance et explorer les domaines qui le passionnent. De tempérament solitaire, la compagnie des autres jeunes de son âge ne lui manque pas.
La seule chose qui lui manque, c’est de pouvoir se déplacer à sa guise. Marcher lui fait le plus grand bien, et il avait pris l’habitude de planifier des circuits pour des randonnées d’une dizaine de kilomètres. Alors forcement, les sorties limitées dans le périmètre et dans le temps sont sources de frustration.
Pour Anne 18 ans, la situation est très dure à vivre. Elle est en première année de fac ( en LEA ), les informations concernant la suite des études et les évaluations de fin d’année sont très vagues et arrivent au compte-goutte, elle ne reçoit que les cours pour l’anglais et l’espagnol, quant aux autres matières, aucunes nouvelles… Elle sait juste qu’elle a validé son premier trimestre, mais n’a aucune note, elle ne sait pas si elle pourra changer de fac comme elle le souhaite et passer en seconde année, ni quand et comment vont se passer les inscriptions… De tempérament perfectionniste et aimant tout planifier, elle se sent stressée et démotivée, n’ayant aucune certitude ni aucun repaire pour l’avenir. De plus son copain et ses amies lui manquent, même si elle peut communiquer avec eux par skype. Je fais ce que je peux pour lui changer les idées et lui remonter le moral, et elle passe beaucoup de temps à peindre, mais il est temps que ça se termine car je la sens fatiguée et déprimée.
Voilà pour le vécu de mes deux grands. Cela rejoint ce qui a été dit dans les témoignages.
Bonjour, notre fille de 11 ans est en 5ème. Pour elle, plus de stress le matin avant de partir à l’école, plus de mal de tête, plus de boule au ventre. Chaque jour, elle angoissait à l’idée de passer toute la journée à suivre les cours qui lui semblent très longs. En confinement, elle a décidé d’attaquer seule le programme de 4ème. Elle visionne tout ce qui lui tombe sous la main en histoire, mathématique, dans les langues, en latin…. Elle appréhende surtout le déconfinement de peur que nous attrapions le virus et que ne mourrions. Cela fait plusieurs années qu’elle nous demande l’IEF et la voilà par la force des choses obligée. Du coup, les discussions reviennent e sur le tapis pour la rentrée de septembre !