A l’école sans les codes (1/2) : le parcours scolaire du combattant des élèves surdoués

Scolarité

Compréhension et échanges difficiles avec les autres enfants, méthodes d’apprentissage et de travail singulières, préjugés des professeurs… Il est parfois difficile pour les élèves surdoués de s’intégrer à l’école. Certains sont brillants en classe, d’autres se fondent dans la masse. Le reste souffre. Dans tous les cas, les parents composent au mieux pour leur offrir la meilleure scolarité possible. Entre le regard de certains enseignants et les difficultés logistiques ou financières, la tâche n’est pas aisée. Première partie de notre série « A l’école sans les codes »…

Selon les professionnels, un tiers des élèves surdoués connaît une scolarité brillante, un deuxième tiers dans la moyenne et le dernier connaît des difficultés (Photo : Matthew Henry from Burst)

Visiblement, les élus français commencent à s’intéresser à la question de la prise en charge des élèves surdoués. On peut en tout cas le penser après la publication le 22 janvier 2019 d’un rapport (Lire sur La Revue du Zèbre) rédigé par les députées et Marie-Pierre Rixain (LREM) et Frédérique Meunier (LR). Il suit une « mission flash » confiée par la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale.

Leurs conclusions, tirées d’une méthodologie principalement qualitative basée sur des entretiens et des observations de terrain, restent assez superficielles. Elles se résument à huit propositions pour favoriser la prise en charge et l’intégration des enfants surdoués à l’école, en France. Leurs préconisations n’ont rien de révolutionnaire. Elles semblent même parfois un peu timides. Notamment sur la question du nombre de psychologues scolaires. Il est, en France, nettement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (1 pour 2 000 enfants contre 1 pour 800), mais pour lequel les deux députées ne prône qu’un simple maintien des effectifs et non une hausse…

Surdouée, « Elle considère les élèves de son école comme des débiles »

Malgré tout, « c’est très intéressant de voir que les politiques sont sensibilisés à la question », réagit Valérie Husson, directrice de l’association Zébra, à Marseille. Elle y gère le lieu d’accueil Zébra Alternative, pour des adolescents surdoués qui « ont besoin d’une pause pour se ressourcer, sur le temps scolaire, pour les accompagner vers un retour à une scolarité normale. »

Le travail des élues parle peu de la question de l’intégration des enfants à haut potentiel intellectuel (HPI) parmi leurs camarades. Ce qui pose parfois – souvent ? – problème, comme le souligne Agathe, mère de quatre enfants dont trois diagnostiqués surdoués. Son aînée, Nicole, a aujourd’hui 16 ans. Elle « est très réservée, ne quitte pratiquement pas sa chambre et n’a pas vraiment d’amis en classe. Elle considère les élèves de son école comme des débiles », constate Agathe. Ce qui ne l’empêche pas de suivre une scolarité brillante. Elle doit passer son baccalauréat scientifique l’année prochaine. Elle a deux ans d’avance. Son parcours plutôt classique dans le public jusqu’au collège a bifurqué vers le privé, en Suisse, à partir de la seconde.

De l’incompréhension à la déscolarisation des élèves surdoués

Pour son frère Nicolas, 14 ans, en revanche, la situation est plus compliquée. « Les études ne l’intéressent pas du tout, même s’il montre de grandes aptitudes en mathématiques », déplore Agathe. Pas scolarisé en maternelle, le garçon a connu une première année de primaire très difficile. « La prof et les élèves se moquaient de lui car il n’avait pas été à la maternelle et était timide », raconte sa mère. En fait, Nicolas n’avait pas les codes. Il ne levait pas la main pour prendre la parole, ne coloriait qu’avec une seule couleur et ne collait pas les feuilles dans ses cahiers… Il est aujourd’hui déscolarisé.

C’est également le cas de son jeune frère, Cyprien, 12 ans. Lui n’a jamais connu l’école publique. Après un passage par un établissement Montessori où il était curieux et distrait, il apprend désormais depuis chez lui. Il reste très efficace pour faire ses ses devoirs, lit beaucoup et fait preuve d’un sens de l’humour très fin. Quant à la plus jeune, Tamara, elle est brillante, bien que n’ayant pas encore été testée HPI. Il y a deux ans, alors âgée de 6 ans, elle a écrit un mémoire de 15 pages sur les animaux domestiques, dont la qualité de l’écriture « a grandement impressionné l’inspectrice pédagogique », raconte Agathe.

On le voit, avec ces quatre exemples : l’intégration des élèves surdoués à l’école n’est pas simple. Qu’ils soient brillants ou en échec, ils présentent rarement les caractéristiques des élèves « classiques ». De ce fait, soit ils disposent d’une faculté d’adaptation qui leur permet de suivre une scolarité classique. Au risque de basculer dans la sur-adaptation. Ou alors, ils s’isolent de leurs camarades et parfois de leurs professeurs.

« Elle a toujours fait ses devoirs toute seule »

Parfois, les particularités des élèves surdoués ont du bon. En témoigne l’exemple de Mathéa. Elle a toujours eu de bons résultats, malgré quelques problèmes de comportement en maternelle. Après un passage en école primaire publique, elle a rejoint un collège privé en Vendée qui dédie une classe aux HPI. Il sensibilise et forme aussi ses enseignants pour la prise en charges des élèves surdoués. Malgré une scolarité légèrement chaotique, elle fait preuve de beaucoup d’autonomie. « Elle a toujours fait ses devoirs toute seule. Elle refusait mon aide. Bon ok, tant que ça roule après tout… », se réjouit Eléonore.

Mathéa a, par ailleurs, développé des méthodes singulières. « Pour apprendre ses poésies, elles se mettait sous la table et récitait en gesticulant beaucoup, poursuit Éléonore. J’ai toujours trouvé cela étrange, mais comme pour les devoirs, puisque ça fonctionnait, pourquoi pas ? » C’est avant tout le résultat qui compte. Enfin, pas toujours puisque, les particularités de Mathéa ont « toujours été pointés du doigts » par ses camarades et ses professeurs, précise se mère.

Les députées Rixain et Meunier ne manquent pas de le noter dans leur rapport : être un enfant surdoué ne garantit pas forcément de réaliser une scolarité brillante. Les professionnels estiment généralement qu’un surdoué sur trois aura d’excellents résultats à l’école et qu’un autre tiers parviendra à se fondre dans la masse et à suivre une scolarité « classique ». Le dernier tiers échouera. Dans ce cas, il est souvent compliqué de se faire comprendre auprès corps enseignant, souvent insuffisamment formé et sensibilisé. « Il y a encore des professeurs qui pensent qu’un jeune surdoué doit forcément réussir sa scolarité brillamment », assure ainsi Valérie Husson, directrice de Zébra.

La suite dans la deuxième partie : Les défis des parents face à la scolarité des enfants surdoués

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